Préambule : cet article est systématiquement censuré depuis plusieurs années. Les spécialistes du sujet comprendront pourquoi….

Abri du poisson : une hypothèse de lecture du tracé du salmonidé

Denis Roger DENOCLA

Résumé : L’article présente une nouvelle hypothèse d’interprétation du bas-relief de l’abri du poisson. Les éléments présentés suggèrent un cartouche numérique mentionnant la longueur du saumon bécard. Nos aïeux d’il y a 25 000 ans, ont-ils immortalisé le souvenir d’un beau trophée de pêche ?

Abstract: The article presents a new hypothesis for the interpretation of the bas-relief of the fish shelter. The elements presented suggest a numerical cartouche mentioning the length of the salmon. Our ancestors of 25,000 years ago, did they immortalize the memory of a beautiful fishing trophy?

Mot clef: bas-relief, abris du poisson, numerical cartouche

INTRODUCTION :

Les études de l’art pariétal sont nombreuses, mais les recherches sur les traces de numération préhistorique le sont moins. Comme l’indiquent les spécialistes de la numération tels que Denis Guedj[1] et Georges Ifrah[2], cette manifestation intellectuelle bien caractéristique d’une humanité émergente est attestée au cours du paléolithique entre – 30 000 et – 15 000 ans par des entailles sur des bâtons ou des os.

Le contexte géologique et archéologique

Suivant Cécile GizardinMaître de Conférence du Musée national de Préhistoire des Eyzies, l’abri du poisson est daté très précisément de –25 000 ans compte tenu des deux niveaux retrouvés : Aurignacien et Périgordien. Sous l’action du gel, des morceaux de calcaire se sont détachés du plafond. Au-dessus de 25 000 ans, on n’en retrouve plus et après 25 000 ans, l’abri fut bouché par une coulée de boue et fut ainsi très bien conservé jusqu’à sa découverte en 1892.

Le bas-relief du saumon « bécard »

Figure 1

L’abri contient le plus ancien tracé de poisson connu à ce jour. Il s’agit d’un bas-relief représentant un saumon « becquart » ou « bécard » à la mâchoire retroussée, signe caractéristique du mâle en période de frai. Des traces d’ocre rouge sont détectables notamment au centre de la représentation du salmonidé. Nettement au-dessus du corps du saumon, un tracé rectangulaire ou « cartouche » contient des bâtonnages profonds. La représentation du saumon mesure 1,05 m long et environ 40 cm de haut.

Les hypothèses antérieures de lecture du tracé du saumon

Figure 2

Interprétations de la figure de poisson en bas-relief, de haut en bas par H. Breuil, D. Peyrony, et A. Leroi-Gourhan[3].

 L’hypothèse d’une nageoire dorsale

L’hypothèse d’une nageoire dorsale est initialement donnée par l’abbé H. Breuil[4].

Une hypothèse de lecture du tracé du saumon interprète le tracé rectangulaire ou « cartouche » au-dessus du poisson comme étant une nageoire dorsale. Il y a une probabilité élevée qu’il s’agisse de la représentation d’un saumon hors d’eau, une fois pêché, nageoire dorsale repliée. Et pas une nageoire dorsale saillante, ouverte, s’il était représenté nageant dans l’eau.

À cette hypothèse l’on peut objecter que :

  1. le cartouche est nettement détaché du corps du saumon, comme le signale D. Peyrony[5].
  2. la position du cartouche est nettement sur la moitié avant du poisson, alors que la nageoire dorsale est normalement centrée.
  3. la forme du cartouche est rectangulaire alors que la nageoire dorsale est triangulaire.

Ces erreurs semblent incompatibles avec le tracé détaillé et précis de la tête du poisson qui indique que l’auteur de la gravure maîtrise et attache de l’importance à l’exactitude anatomique de sa représentation.

En conclusion, cette hypothèse paraît très peu probable.

L’hypothèse d’une crinière de bison

Suivant Cécile GizardinMaître de Conférence du Musée national de Préhistoire des Eyzies, une autre hypothèse de lecture du tracé rectangulaire ou « cartouche » du saumon incluant le relief à l’extrémité droite qui a été interprétée par A. Leroi-Gourhan[6] comme une figure de bison sous-jacente (Figure 2 — D) (schémas dans l’Atlas des grottes ornées, 1984, p. 156).

À cette hypothèse l’on peut objecter que :

  1. le tracé au niveau du cartouche n’est pas relié à une éventuelle tête de bison
  2. le tracé au niveau du cartouche n’est pas relié au tracé éventuel de la croupe du bison
  3. le tracé rectangulaire ou « cartouche » et son contenu sont gravés profondément, contrairement aux hypothétiques autres tracés du bison

En conclusion, cette hypothèse paraît peu probable.

ÉLÉMENTS POUR UNE NOUVELLE LECTURE DU TRACÉ

Éléments complémentaires pour la lecture du tracé

 La taille moyenne des saumons « bécards »

Suivant le Conservatoire National du saumon sauvage du Haut-Allier, la taille moyenne d’un saumon mâle adulte de l’atlantique contemporain est comprise entre 50 et 130 cm.

Le spécimen représenté est de 1,05 m.

La numération et les unités de mesure traditionnelles

Comme l’indiquent les spécialistes de la numération tels que Denis Guedj ou Georges Ifrah, traditionnellement, l’homme, a commencé à compter sur ses doigts, la plupart des civilisations adoptèrent un système de numération de base dix, et parfois la base vingt en comptant sur les orteils. Dans de très rares cas, la base douze et la base soixante.

Les unités utilisées sont elles aussi usuellement basées sur le corps : le pied, la main, le pouce.

 L’hypothèse d’un saumon hors d’eau

Le saumon est représenté sans nageoire saillante nette, simplement avec de possibles esquisses de nageoires pectorales, pelviennes et anales. Ceci peut se comprendre si l’on considère que le saumon est représenté hors d’eau, avec les nageoires partiellement collées au corps.

L’hypothèse d’un tracé de numération

La ritualisation du trophée

L’hypothèse d’un saumon représenté hors d’eau est renforcée par l’idée que le graveur aurait pu vouloir immortaliser une très belle prise en indiquant au-dessus du corps de l’animal ses mensurations.

Cette ritualisation du trophée est encore une pratique vivace.

Le cartouche

En plus, de l’interprétation des « bâtonnages », il y a une probabilité élevée qu’il s’agisse de la représentation d’un saumon hors d’eau, une fois pêché, nageoire dorsale repliée. Et pas une nageoire dorsale saillante, ouverte, s’il était représenté nageant dans l’eau.

Ceci permet d’expliquer la logique du tracé rectangulaire comme étant un « cartouche métrique » du saumon.

Le tracé rectangulaire ou « cartouche » du saumon présente les caractéristiques suivantes :

  • Il est bien séparé du corps du poisson
  • Il contient des « bâtonnages »

Ces deux éléments sont les premiers indicateurs de l’hypothèse d’un tracé de numération.

Les « bâtonnages »

Si nous voulons conforter fortement l’hypothèse d’un tracé de numération à partir de ces premiers indicateurs, nous devons aussi pouvoir donner une hypothèse de valeur numérique à ces « bâtonnages » qui soit cohérente avec la mesure du poisson.

Figure 3 détail du cartouche

Il y a deux lectures possibles :

  1. Il y a simplement 7 bâtonnets verticaux.
  2. Il y a 7 bâtonnets verticaux et 1 bâtonnet horizontal au sommet des 2 bâtonnets de gauche.

Figure 4 : 2 hypothèses de lecture des « bâtonnages »

L’hypothèse de 7 unités de « mains »

Dans le cas où il y a simplement 7 bâtonnets verticaux pour une longueur du saumon de 105 cm, nous obtenons des unités de mesure de 15 cm (105/7=15).

Cet ordre de grandeur est sensiblement supérieur aux unités de « mains » traditionnellement comprises entre 7 et 10 cm.

Nous avons donc dans ce cas un « bâtonnage » qui correspond au nombre 7.

Rien n’indique de lien avec la main négative noire, qui se trouve à 1,5 m du poisson. Néanmoins, on pourra à titre indicatif comparer cette unité de « mains » avec la longueur de la main négative.

L’hypothèse de 25 unités de « pouces »

Dans le cas où il y a 7 bâtonnets verticaux et 1 bâtonnet horizontal au sommet des 2 bâtonnets de gauche pour une longueur du saumon de 105 cm, nous pouvons supposer que nous avons là 2 dizaines suivies de 5 unités.

L’hypothèse est que le bâtonnage horizontal au sommet des 2 bâtonnets de gauche est effectivement d’origine humaine et non pas un relief naturel.

Nous obtenons des unités de mesure de 4,2 cm (105/25=4,2).

Cet ordre de grandeur de 4,2 cm est cohérent avec celui des unités de « pouces » traditionnelles qui sont basées sur la longueur d’une ou deux phalanges du pouce.

Soit de 2,5 cm pour 1 phalange et 5 cm pour 2 phalanges.

Nous avons donc dans ce cas un bâtonnage qui correspond au nombre 25.

Sur l’hypothèse d’un tracé de numération

Il y a une forte probabilité que le tracé du saumon puisse être lié à un tracé de numération.

La probabilité de l’hypothèse du nombre 7 est raisonnable si l’on tient compte que l’unité de « mains » ait pu être de l’ordre de 15 cm.

La probabilité de l’hypothèse du nombre 25 est cohérente avec celui des unités de « pouces » traditionnelles. Mais, un examen de la roche sur le site est nécessaire pour vérifier que le bétonnage horizontal au sommet des 2 bâtonnets de gauche est effectivement un tracé et non pas un relief naturel.

Dans ce cas, l’hypothèse du nombre 25 serait une quasi-certitude compte tenu de l’identification des dizaines. Ceci démontrerait clairement que les « bâtonnages » sont numériques.

CONCLUSION

Notre article présente une nouvelle hypothèse d’interprétation du bas-relief de l’abri du poisson. Les éléments présentés suggèrent un cartouche numérique mentionnant la longueur du saumon bécard.

La probabilité élevée de l’hypothèse qu’il s’agit de la représentation d’un saumon hors d’eau, une fois pêché, nageoire dorsale repliée. Et pas une nageoire dorsale saillante, ouverte, s’il était représenté nageant dans l’eau.

Ceci permet d’expliquer la logique du tracé rectangulaire comme étant un « cartouche métrique » du saumon.

Les hypothèses de tracé de numération sont dans les 2 cas liées à une métrique explicite de main ou de pouce.

Il y a une très forte probabilité d’une correspondance entre la représentation pariétale en bas-relief et une ritualisation du trophée. Nos aïeux d’il y a 25 000 ans, nous ont-ils immortalisé le souvenir d’un beau trophée de pêche ?

NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

« L’empire des nombres », Denis Guedj, Collection Découvertes Gallimard (n° 300), Série Sciences et techniques, Gallimard, 1996, 176 pages.

Histoire universelle des chiffres, Georges Ifrah, 1056 p., paris, Editions Robert Laffont

Communication personnelle de Cécile Gizardin, conférencière et animatrice pour le Centre des monuments nationaux (ancienne CNMHS) et a rejoint la Réunion des Musées nationaux Grand-Palais depuis 1995 où elle anime le service d’action culturelle et éducative du Musée national de Préhistoire, aux Eyzies-de-Tayac.

L’Art des cavernes, Atlas des Grottes ornées paléolithiques françaises, H. Breuil, D. Peyrony, et A. Leroi-Gourhan, Paris, Ministère de la Culture – Imprimerie nationale, 1984 (ouvrage collectif).

« Dictionnaire de la Préhistoire » André Leroi-Gourhan, PUF, 2005, 1312 p.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Abri_du_Poisson

https://www.hominides.com/html/lieux/abri-poisson.php

https://www.saumon-sauvage.org/les-hommes-prehistorique-et-le-saumon

https://www.saumon-sauvage.org/salmo-salar

https://fr.wikipedia.org/wiki/Saumon_atlantique

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pouce_ (unité)

https://fr.vikidia.org/wiki/Unités_de_longueur_basées_sur_la_main


[1]  L’empire des nombres, Denis Guedj, Collection Découvertes Gallimard (n° 300), Série Sciences et techniques, Gallimard, 1996, 176 pages.

[2] Histoire universelle des chiffres, Georges Ifrah, 1056 p., paris, Editions Robert Laffont

[3] L’Art des cavernes : Atlas des grottes ornées paléolithiques françaises, 1984, p. 156.

[4] Les poissons, les batraciens…,1927.

[5] Les Abris Lartets et du Poisson, à gorges d’Enfer, L’Anthropologie,1932, p. 245-268

[6] Préhistoire de l’art occidental, 1965

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